Proposer aux jeunes une éducation financière leur permettant de gérer leur argent de manière à pouvoir répondre au mieux à leurs besoins présents et futurs est essentiel pour assurer l’égalité des chances. Pourtant l’éducation financière demeure un sujet tabou.
Pour mieux comprendre les défis que les jeunes rencontrent, nous avons demandé à la sociologue Caroline Henchoz quels sont les thèmes d'éducation financière à aborder au Secondaire II, comment mieux gérer son budget en tant que jeune adulte et quel rôle jouent les outils numériques dans ce domaine.
Gérer ses finances personnelles
L’offre actuelle d’Iconomix, en lien avec les finances personnelles, comprend plusieurs modules dont le dernier né est le module «Compétences financières». Tous ces modules ont pour point commun d’être très proches de la réalité des jeunes adultes.
Caroline Henchoz: Le plus important est de transmettre aux jeunes des connaissances pratiques très concrètes: comment remplir une déclaration d'impôts, comment choisir son assurance maladie et sa franchise, quelles charges s’ajoutent à un loyer et à quelle fréquence? En Suisse, on base beaucoup la citoyenneté économique sur la responsabilité individuelle, mais ces sujets sont rarement formellement enseignés et on n’en parle pas non plus forcément en famille. Certains jeunes apprennent donc sur le tas en entrant dans la vie adulte. Cela crée des formes d’injustice sociale, car une même erreur n'aura pas les mêmes conséquences selon la situation financière du jeune et de son entourage. Si l’école peut transmettre ces informations de manière accessible, c’est un moyen de favoriser l’égalité des chances.
Nos recherches démontrent que le manque de ressources financières pose un bien plus gros problème que les dépenses inconsidérées. La meilleure stratégie serait donc d’avoir un emploi rémunérateur et de pouvoir épargner, mais c’est parfois tout simplement impossible.
L'autre élément, c'est d’oser demander conseil et le plus tôt possible, notamment auprès de services d’accompagnement financier comme le Centre social protestant ou Caritas. En cas d’arriérés de paiement, ils peuvent aider les jeunes à réagir à temps et à négocier avec les créanciers. En Suisse, les frais de rappel peuvent être très importants, ce qui amplifie les difficultés financières. Nos études prouvent qu’une telle situation affecte très vite la santé des jeunes, qui se sentent honteux et anxieux.
Ce qui est important, c’est que les jeunes puissent trouver des informations pertinentes dans un langage qui leur parle en faisant une simple recherche par mots-clés. Je pense notamment au site ciao.ch, sur lequel ils peuvent poser leurs questions, aussi dans le domaine financier.
Nous avons constaté que les jeunes utilisent plus volontiers leur téléphone qu’un ordinateur. Pour certains, les apps sont même un déclencheur pour consulter régulièrement leur compte bancaire. Twint ou Tricount est aussi beaucoup utilisé pour répartir les dépenses entre amis sans faire de longs calculs.
Finalement, les pairs jouent un rôle important par le biais des réseaux sociaux. Ils peuvent favoriser la transmission de savoirs dans un langage plus adapté, mais aussi influencer la consommation. En ce sens, l’important est surtout d’encourager les jeunes à développer un regard critique sur les messages transmis.
Source: Caroline Henchoz
Caroline Henchoz est professeure ordinaire à la Haute école de travail social de Lausanne (HETSL), et l’une des spécialistes de l’éducation financière en Romandie. Elle mène ses recherches sur des sujets comme l’endettement, les inégalités économiques ou encore la gestion de l’argent au sein des familles et des couples. Son approche transdisciplinaire combine sociologie, économie et travail social et favorise des méthodes d’enquête qualitatives et quantitatives.
Actuellement, elle étudie les liens entre endettement et santé ainsi que les nouveaux défis que doivent relever les jeunes face à l’économie numérique.