Iconomix a choisi comme thématique centrale pour l’année scolaire en cours «Inégalités: état de la situation et perspectives». C’est la raison pour laquelle la Journée d’économie politique de novembre 2024 a aussi été consacrée à cette thématique. L’un des moments phare de cette Journée fut la la conférence d’Ursina Kuhn, responsable de recherche au Centre de compétences suisse en sciences sociales (FORS) à l'Université de Lausanne.
Dans ce court interview, elle revient sur les principaux éléments de sa conférence.
L’offre actuelle d’Iconomix en lien avec les inégalités comprend deux modules.
Ursina Kuhn: Lorsqu’on examine l’inégalité des niveaux de vie, le revenu disponible des ménages est l’indicateur le plus souvent utilisé. Le travail rémunéré constituant la principale source de revenu, la disparité entre les bas salaires et les hauts salaires est un facteur central. L’augmentation des salaires très élevés au cours des deux dernières décennies a contribué à accroître l’inégalité. En outre, le taux d’emploi et le taux d’activité des hommes et des femmes influencent également le niveau d’inégalité.
L’État joue un rôle crucial dans la réduction des inégalités de revenu, notamment par le biais des assurances sociales, des impôts, de l’aide sociale et des subventions pour les primes d’assurance-maladie.
La composition des ménages constitue un autre facteur de redistribution important. L’approche standard pour mesurer l’inégalité des revenus suppose que les personnes vivant ensemble répartissent le revenu d’une manière égale entre elles. Ainsi, la proportion de personnes vivant seules ou de ménages monoparentaux augmente l’inégalité, car cette redistribution interne des ressources est absente. En même temps, cette approche masque les inégalités au sein des ménages et entre les sexes.
Enfin, l’inégalité de fortune est aussi un facteur à prendre en compte. La fortune, qui génère des revenus répartis de manière très inégale, impacte notre vie à plusieurs égards.
Oui, effectivement. Il est toujours essentiel de préciser de quel type de ressource (salaires, revenus, fortune) et de quelle population il est question. Puis, il y a les inégalités en haut, au milieu et en bas de la distribution. Par exemple, l’inégalité peut augmenter en raison d’une hausse de la pauvreté, d’une diminution de la classe moyenne ou d’une augmentation des richesses en haut de la population. Les indicateurs qui résument l’inégalité en un seul chiffre, font implicitement une pondération de ces différents types d’inégalités. Ces différentes perspectives expliquent pourquoi certains perçoivent des inégalités stables, tandis que d’autres observent une augmentation des inégalités en Suisse.
En termes de revenu disponible, la Suisse se situe à un niveau moyen, similaire à celui de la France et de l’Allemagne. Les inégalités y sont plus élevées que dans les pays scandinaves, mais moins marquées que dans les pays anglo-saxons ou les pays moins développés comme la Turquie ou le Mexique. Ce qui est surprenant, c’est l’inégalité relativement faible en Suisse dans des revenus de marché, c'est-à-dire avant intervention de l’État. Les facteurs explicatifs possibles sont l’économie à forte valeur ajoutée et compétitive, des conventions collectives de travail et un taux de participation au marché de travail relativement élevé. En revanche, la redistribution par des impôts directs est relativement faible en Suisse par rapport aux autres pays.
Source: Ursina Kuhn
Ursina Kuhn est responsable de recherche au Centre de compétences suisse en sciences sociales (FORS) à l'Université de Lausanne. Elle travaille principalement pour le Panel suisse de ménages et mène, depuis de nombreuses années, des recherches sur les inégalités sociales et économiques.
Ses publications traitent, entre autres, de l'inégalité des revenus et de la fortune en Suisse, de l'activité professionnelle des femmes et des questions liées à la qualité des données.