Trois questions à Philippe Thalmann

Aspects économiques du changement climatique

Le changement climatique est notre thématique centrale pour 2021. Dans cette interview, Philippe Thalmann, partenaire d'Iconomix et professeur d'économie à l'EPFL, partage son point de vue par rapport aux objectifs de réduction des émissions de carbone.

Les faits sont clairs: le monde se réchauffe. La teneur en CO2 de l'atmosphère ne cesse d'augmenter. La glace sur les calottes polaires et au Groenland est en train de fondre. Le niveau de la mer augmente. Les océans s'acidifient. Le nombre d'événements climatiques extrêmes est en augmentation. Les plantes, les animaux et leurs habitats sont de plus en plus touchés. La biodiversité décline massivement.

Dossier 2021

Dans le cadre de la thématique 2021/2022 «Aspects économiques du changement climatique», Iconomix aborde les questions suivantes:

  • Pourquoi les politiques climatiques internationales échouent-elles si souvent?
  • Comment peut-on internaliser les effets externes des émissions de gaz à effet de serre?
  • Comment devons-nous restructurer notre économie pour qu'elle devienne plus durable et commence à se dissocier de la consommation de ressources et de la destruction de la nature?
  • Quels rôles jouent la technologie et l'innovation dans ce processus?

Philippe Thalmann, professeur d'économie à l'EPFL et directeur du Laboratoire d'économie urbaine et de l'environnement (LEURE) de l'EPFL, fournit à Iconomix des conseils techniques et nous soutient dans le développement de nouveaux modules. Nous lui avons posé trois questions:

Journée d'économie politique 2021

La prochaine Journée d'économie politique aura lieu le 12 novembre 2021 sur le thème «Aspects économiques du changement climatique».

Bibliothèque en ligne

Sur la plateforme, des resources de premier plan sur le sujet «Changement climatique» sont mises à disposition des élèves.

Iconomix: Malgré les faits alarmants, la politique de lutte contre le changement climatique n’a pratiquement pas bougé depuis des années. Nous n’avons pas de vision collective et ne voyons pas la nécessité de fournir un effort collectif. Existe-t-il une explication politico-économique à cet état de fait?

Il y a une part psychologique. En effet, l’être humain a tendance à sous-évaluer les risques lorsque cela l’arrange. C’est le cas lorsqu’il fume et qu’il sous-évalue le risque de cancer ou lorsqu’il prend la voiture et sous-évalue le risque d’accident. C’est d’autant plus vrai dans le cas du réchauffement climatique, car les risques sont très diffus puisque, à ce jour, nous n’en connaissons pas encore exactement les effets réels. Il y a évidemment aussi une explication économique. Nous sommes en effet ici face à un cas typique de bien commun. Chaque individu peut déverser ses gaz à effet de serre dans une «décharge publique mondiale», avec le résultat que tout le monde le fait de manière trop abondante. La notion de «budget carbone» mesure la capacité restante de cette «décharge». Aujourd’hui, tout le monde se sert dans ce budget mais en excès et sans vraiment se préoccuper des générations futures. Il est en effet relativement aisé de «penser local» et d’en voir les effets, mais il est plus difficile de gérer un problème aux dimensions mondiales.

Il reste moins de 30 ans pour parvenir à des émissions de CO2 nulles et 10 ans pour limiter l’augmentation de la température mondiale due à l’effet de serre à 1,5 °C. Quelles sont les mesures nécessaires pour atteindre ces deux objectifs? Est-ce vraiment réaliste?

L’objectif prioritaire à réaliser le plus vite possible est d’arrêter d’utiliser les énergies fossiles. Mais cela n’est pas aisé, car ces énergies sont étroitement liées à nos manières de vivre et de produire. Quelles mesures prendre? Favoriser le remplacement de ces énergies et modifier notre style de vie. Est-ce réaliste? D’un point de vue scientifique et technologique, c’est tout à fait possible. En sommes-nous capables? Cela implique une immense transformation technologique, une amélioration de notre système politique (actuellement les personnes au pouvoir n’ont pas intérêt à ce qu'il change) et de nos modes de vie. Le défi est immense, et nous ne sommes pas encore sur le bon chemin, ce qui me rend plutôt pessimiste.

Une dernière question: selon vous, quelles sont les chances de voir l’humanité inverser la tendance. Pouvons-nous le faire? Si oui, que faut-il faire?

J'ai quand même deux raisons d'être optimiste: (1) Les énergies renouvelables sont de plus en plus compétitives et vont pousser les énergies fossiles hors des marchés dès qu'on arrêtera de les subventionner. (2) La mobilisation des jeunes a secoué les autorités; il est difficile de leur répondre «la priorité c'est de protéger les emplois, les salaires, les rentes aujourd'hui, et tant pis si cela menace votre avenir». La mobilisation des jeunes repose sur le travail qu'ils ont fait pour comprendre les enjeux de la dégradation du climat. Nous devons travailler avec eux pour trouver des solutions permettant de transformer nos économies vers un mode de fonctionnement compatible avec les limites planétaires et à même d'assurer une vie digne pour tout le monde.

Philippe Thalmann est professeur d'économie à l'EPFL et directeur du Laboratoire d'économie urbaine et de l'environnement (LEURE) de l'EPFL. Il est également membre de l’OcCC (Organe consultatif sur les changements climatiques) du DETEC. Philippe Thalmann sera le conférencier de la Journée d’économie politique 2021 à Lausanne.

Comment Iconomix aborde ce sujet concrètement?

Module «Biens communs»

Le module «Biens communs» traite de la surutilisation des ressources librement accessibles. L'accent est mis sur le jeu de groupe «Le vivier». Les élèves pêchent dans un étang et expérimentent les principales implications découlant de leurs choix.

Le module aborde des concepts tels que les types de biens économiques, le dilemme des biens communs, les externalités, la durabilité, la rareté des ressources, le rôle de l'État et les normes sociales.

Trois thématiques via quatre vidéos didactisées

Iconomix abordera trois sujets interdisciplinaires via des vidéos didactisées:

  • Les défis de la politique climatique internationale: malgré des constats alarmants, cinq ans après l'accord de Paris sur le climat, le bilan est très mauvais. Comment expliquer cela sous un angle économique? Pour répondre à cette question, deux vidéos vous sont proposées: pour les EP, une vidéo réalisée en collaboration avec Vincent Kucholl, et pour les gymnases, un reportage d'Arte.
  • Instruments économiques: il nous reste un peu moins de 30 ans pour atteindre la neutralité climatique et 10 ans pour limiter l'augmentation liée aux gaz à effet de serre à 1,5°C. Quels instruments économiques sont nécessaires pour atteindre ces deux objectifs? Plus précisément, comment est-il possible d'internaliser les externalités négatives liées aux émissions de CO2?
  • Changement technologique: à terme, nous devons réussir à dissocier le développement économique de la consommation des ressources et de la dégradation de l'environnement. Quel rôle jouent l'innovation et la technologie dans ce domaine?
Bloc thématique de données (prototype)

Iconomix lancera un premier bloc thématique de données sur les bases scientifiques du changement climatique en 2022. La maîtrise des données (Data Literacy) est considérée comme une compétence clé pour l'avenir. Pour Iconomix, cela signifie la capacité de traiter les données et de pouvoir les remettre en question selon le contexte défini. L'objectif est que les élèves, en fonction du profil d'exigences, comprennent les bases scientifiques du changement climatique en évaluant de manière critique les sources de données, en lisant et en interprétant des graphiques et en transformant et en visualisant un ensemble de données existant.

Un bloc thématique de données est structuré de la même manière qu'une vidéo didactisée, mais au lieu d'une vidéo, l'accent est mis sur un ensemble de données.

Pour en savoir plus