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Politique monétaire

Quelles sont les tâches de la politique monétaire?

Une banque centrale remplit un mandat clairement défini: mener une politique monétaire dans l’intérêt du pays ou de l’espace monétaire concerné. Son objectif premier consiste à garantir la stabilité des prix. La banque centrale entend empêcher que les prix augmentent continuellement pendant une longue période (inflation/renchérissement) ou qu’ils ne cessent de diminuer (déflation), des situations qui engendrent des fluctuations importantes du pouvoir d’achat.

La stabilité des prix est une condition essentielle à la croissance et à la prospérité. Par contre, l’inflation et la déflation entravent le développement de l’économie: elles compliquent la planification pour les ménages et les entreprises. En outre, elles empêchent les prix de remplir pleinement leur fonction, qui consiste à favoriser une utilisation aussi productive que possible de la main-d’œuvre et du capital, et entraînent des effets de redistribution des revenus et des richesses.

Une évolution conjoncturelle équilibrée représente le deuxième objectif fréquemment poursuivi par une banque centrale. Il faut éviter à la fois une surchauffe de l’économie et une récession. Un environnement stable se caractérise par une croissance économique durable et un faible taux de chômage. En règle générale, il n’existe pas de conflit d’intérêts avec la stabilité des prix; une banque centrale peut donc poursuivre ces deux objectifs simultanément.

Cadre conceptuel de la politique monétaire conventionnelle

Une banque centrale met en œuvre sa politique monétaire en fixant son taux directeur (voir l’encadré «Taux directeur de la BNS»). Elle pilote ainsi le niveau des taux d’intérêt sur le marché monétaire, sur lequel les banques se prêtent mutuellement de l’argent à court terme. Étant donné qu’il s’agit d’opérations de courte durée, nous parlerons ici des taux d’intérêt à court terme. Le schéma 1 présente les deux canaux par lesquels un changement du taux directeur de la banque centrale déploie ses effets:

La trajectoire du haut, également appelée «canal du crédit» de la politique monétaire, montre comment une modification du taux d’intérêt se répercute sur l’octroi de crédits; celle du bas présente l’impact d’une modification du taux d’intérêt sur le «canal du cours de change».

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Le canal du crédit

Lorsque la banque centrale relève le taux directeur, elle accroît de ce fait, via une sorte de réaction en chaîne, le coût général des crédits dans l’économie. D’une part, les crédits à court terme deviennent plus chers; de l’autre, les taux d’intérêt sur les crédits à long terme et les rendements des obligations (appelés taux à long terme) augmentent. Le financement des intérêts hypothécaires revient par exemple plus cher aux propriétaires, et les coûts du capital augmentent pour les crédits d’entreprise. Dans l’ensemble, les investissements et la consommation reculent, notamment parce que les taux d’intérêt plus élevés rendent l’épargne plus attrayante.
La demande de biens et de services s’en trouve donc diminuée. Comme les entreprises ont plus de mal à écouler leurs produits, elles renoncent à augmenter leurs prix et les salaires. De ce fait, le renchérissement ralentit.

En revanche, lorsque la banque centrale abaisse le taux directeur, elle provoque l’effet inverse: le coût des crédits diminue, ce qui stimule la conjoncture et le renchérissement.

Taux directeur de la BNS

En Suisse, la Banque nationale suisse (BNS) détermine le taux directeur de la BNS, qui lui permettra d’atteindre ses objectifs de politique monétaire. Ce taux indique le niveau visé par la BNS pour les taux d’intérêt à court terme sur le marché monétaire gagé. Le SARON (Swiss Average Rate Overnight) est le taux du marché monétaire le plus représentatif; il s’agit du taux d’intérêt auquel les banques se prêtent mutuellement de l’argent à court terme (durant la nuit), en échange de garanties telles que des emprunts d’État. La BNS s’attache à maintenir constamment le SARON à un niveau proche de son taux directeur. Elle peut pour cela intervenir directement sur le marché monétaire.

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Le canal du cours de change

Dans un petit pays comme la Suisse, qui entretient d’étroites relations économiques avec le reste du monde et dispose d’une monnaie influente sur le plan international, la partie inférieure du schéma est particulièrement importante. En effet, le cours de change a une influence considérable sur la conjoncture et le renchérissement.

Des taux d’intérêt plus élevés renforcent également la monnaie nationale dans la mesure où ils accroissent l’attrait des placements dans cette monnaie. Les Suisses comme les étrangers sont alors plus nombreux à vouloir investir en francs. Pour cela, les investisseurs étrangers doivent d’abord changer leur monnaie étrangère en francs. La demande de francs augmente, et la monnaie helvétique s’apprécie. De ce fait, le prix des exportations augmente, tandis que celui des biens importés baisse; la demande de biens suisses diminue en Suisse et à l’étranger, ce qui freine la conjoncture suisse et se répercute finalement aussi sur le renchérissement.

Inversement, des taux d’intérêt plus bas rendent le franc moins attrayant; celui-ci se déprécie. Les exportations sont alors stimulées, tout comme la conjoncture, et les importations se renchérissent. Il en résulte une augmentation de l’inflation.

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Autres points à noter dans le schéma 1

Certaines circonstances compliquent ou facilitent la conduite de la politique monétaire. Elles n’apparaissent toutefois pas directement dans le schéma 1.

Effets à retardement: il peut s’écouler un certain temps avant que les décisions de politique monétaire d’une banque centrale déploient leurs effets. Cela concerne surtout la partie supérieure du schéma 1. Un changement des taux d’intérêt à court terme impacte les prix d’un pays avec un décalage de deux à trois ans. Pour tenir compte de cette réaction lente, la banque centrale définit sa politique monétaire de façon prévoyante et établit des prévisions quant à l’évolution de la conjoncture et de l’inflation. Si elle réagissait uniquement lorsque le niveau des prix augmente ou diminue, il serait alors trop tard.

Impact temporaire sur la croissance économique: l’effet de la politique monétaire sur la conjoncture est toujours temporaire. La croissance à long terme d’une économie (ou croissance tendancielle) dépend d’autres facteurs, à savoir la taille de la population active, le niveau de formation, le capital physique, le progrès technique et la qualité des institutions telles que le système de protection des droits de propriété. Autrement dit, l’effet stimulant d’une baisse des taux d’intérêt sur la conjoncture s’affaiblit après un certain temps; il ne reste alors qu’un niveau de prix plus élevé. C’est pourquoi l’objectif suprême de la politique monétaire n’est par exemple pas un objectif de croissance, mais consiste à garantir la stabilité des prix, un facteur que la banque centrale est effectivement en mesure d’influencer à long terme.

Santé de l’économie: l’effet des mesures de politique monétaire sur l’inflation dépend de la santé de l’économie et, de ce fait, de la conjoncture. Lors d’une récession, une banque centrale peut abaisser les taux d’intérêt et stimuler ainsi la demande sans que les prix ne commencent à augmenter immédiatement sur un large front. En effet, lorsque l’économie tourne au ralenti, c’est-à-dire quand le chômage est élevé, les carnets de commandes des entreprises sont vides, et les capacités de production, sous-utilisées, la pression inflationniste est faible. En revanche, lorsque les taux d’intérêt sont abaissés alors que l’économie se porte bien, les prix à la consommation ont tendance à augmenter.

Rôle des anticipations: des anticipations d’inflation bien ancrées facilitent la mise en œuvre de la politique monétaire. Quand les ménages et les entreprises s’attendent à ce que la banque centrale atteigne à l’avenir également l’objectif qu’elle a défini en matière d’inflation, il est moins probable que les consommateurs et les entreprises réagissent si le renchérissement dépasse temporairement le niveau défini (par exemple en raison d’une hausse des prix du pétrole) ou s’il passe brièvement en dessous de celui-ci (par exemple en raison d’une récession). Si les anticipations d’inflation demeurent stables, il est plus aisé pour la banque centrale de contrôler l’inflation en dépit de fluctuations temporaires.

Processus de décision en matière de politique monétaire

Une banque centrale ne prend pas ses décisions de politique monétaire en partant de rien, mais en réaction aux développements de l’économie. Ce principe apparaît dans le schéma 2:

La banque centrale observe l’évolution de la conjoncture et du renchérissement dans le pays et à l’étranger, effectue des prévisions portant sur l’inflation et sur la conjoncture, compare l’évolution effective avec ses objectifs – et réagit en conséquence en prenant une décision de politique monétaire qui porte généralement sur le niveau de son taux directeur.

Si elle constate des écarts importants entre ses objectifs et l’évolution de l’inflation et de la conjoncture, elle adapte sa politique monétaire. En présence d’un risque de surchauffe, elle appuie sur le frein: elle relève son taux directeur afin de prévenir une forte accentuation indésirable de l’inflation et une surchauffe conjoncturelle. S’il existe un risque de récession, elle appuie au contraire sur l’accélérateur: elle abaisse son taux directeur pour éviter une inflation trop faible et un glissement de l’économie dans la récession. En fin de compte, elle réalise sans cesse un exercice d’équilibre dans le but d’éviter des soubresauts violents de l’inflation et de la conjoncture. En agissant de la sorte, la banque centrale remplit son mandat: elle garantit la stabilité des prix en tenant compte de l’évolution conjoncturelle.

Politique monétaire non conventionnelle

Face à la très grande faiblesse des taux d’intérêt à court terme, la gestion de ces derniers se révèle difficile car le niveau des taux ne peut pas être abaissé à volonté. Si les taux sont fortement négatifs, les entreprises et les ménages privilégient l’argent liquide, dont le taux d’intérêt est nul. Des taux légèrement négatifs sont néanmoins envisageables.

Dans un tel contexte, la banque centrale peut assouplir davantage sa politique monétaire en essayant d’influer non seulement sur les taux d’intérêt à court et à long terme, mais aussi sur le cours de change (voir schéma 1). Même lorsque les taux d’intérêt sur le marché monétaire sont bas, la banque centrale dispose ainsi d’instruments lui permettant d’atteindre ses objectifs. Nous parlons dans ce cas de mesures non conventionnelles de politique monétaire. D’une part, la banque centrale peut acheter directement sur les marchés des capitaux des placements à plus long terme tels que des emprunts d’État et abaisser de la sorte les taux d’intérêt à long terme. D’autre part, elle peut intervenir sur le marché des changes pour acquérir des monnaies étrangères et influer ainsi sur l’inflation via le canal du cours de change.

De plus, la banque centrale peut influencer les anticipations des marchés et du public concernant l’évolution des taux d’intérêt à court terme, en annonçant son intention de maintenir le taux directeur à un bas niveau pendant une période prolongée. Une telle annonce a un impact sur les taux d’intérêt à long terme pour autant qu’elle soit crédible aux yeux du public et des marchés financiers.

Mesures non conventionnelles de politique monétaire en Suisse

Après l’apparition de la crise de la dette dans la zone euro en 2010, le franc s’est apprécié rapidement et constamment, car de nombreux investisseurs le considéraient comme une «valeur refuge», contrairement à d’autres monnaies. Pour contrer ce mouvement, la BNS a fixé un cours plancher de 1,20 franc pour un euro en septembre 2011. Elle a ainsi soutenu l’économie nationale et, en fin de compte, assuré la stabilité des prix.

La BNS a aboli le cours plancher et introduit un taux d’intérêt négatif en janvier 2015. Depuis lors, les banques et les autres établissements financiers devaient payer un intérêt de –0,75% sur les avoirs qu’ils détenaient à la BNS. Cette mesure visait à empêcher une trop forte appréciation du franc en rendant les placements en francs moins attrayants par rapport à ceux dans d’autres monnaies. La BNS poursuivait le même objectif avec ses interventions sur le marché des changes, par lesquelles elle achetait au besoin des monnaies étrangères contre des francs.

Situation actuelle

La reprise économique après la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont provoqué une forte hausse de l'inflation dans le monde. Cela a fondamentalement changé la donne de la politique monétaire.

En juin 2022, la Banque nationale a relevé son taux directeur, le faisant passer dans un premier temps à −0,25%, puis à 0,5% en septembre. Le taux directeur de la BNS est ainsi revenu en territoire positif pour la première fois depuis près de huit ans. En décembre 2022 et en mars 2023, la Banque nationale a poursuivi le resserrement de sa politique monétaire et porté son taux directeur à 1,5%.

En majorant ses taux d’intérêt, la BNS entend contrecarrer la pression inflationniste croissante. Elle a en outre adapté sa politique monétaire au contexte des taux d’intérêt positifs. La BNS peut donc non seulement adapter son taux directeur, mais également, au besoin, influer sur le cours de change ou sur le niveau des taux d’intérêt par des mesures complémentaires de politique monétaire. Celles-ci prennent notamment la forme d’achats et de ventes de devises sur le marché des changes et permettent à la BNS de garantir des conditions monétaires appropriées.

Afin de connaitre le niveau actuel du taux directeur de la BNS, veuillez vous référer à la rubrique Taux d'intérêt et cours de change actuels sur le site Internet de la Banque nationale suisse (BNS).