Emissions de CO2 et réchauffement climatique
Emissions de CO2 et réchauffement climatique

Informations de fond

Emissions de CO2 et réchauffement climatique

Augmentation mondiale des températures de surface

Le changement climatique lié aux activités humaines résulte de la libération de gaz («gaz à effet de serre») dans l’atmosphère. Alors que ces gaz laissent largement passer le rayonnement solaire à ondes courtes, ils arrêtent une partie du rayonnement électromagnétique terrestre à ondes longues (également appelé «rayonnement thermique») et le renvoient vers la Terre. L’effet de serre qui en résulte entraîne un réchauffement de la surface terrestre.

En termes physiques, il est très difficile d’évaluer dans quelle mesure l’augmentation des températures terrestres est due à la plus forte concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. De fait, cette hausse est le résultat d’interactions très complexes de diverses natures, qui se produisent à des moments différents et influent en partie les unes sur les autres. Le «budget carbone» permet d’aborder de manière simplifiée la relation entre la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et l’augmentation des températures terrestres.

En utilisant l’approche du budget carbone (carbon budget approach), il est par exemple possible d’estimer la quantité de CO2 que nous pouvons encore émettre sans dépasser la limite fixée à 1,5 ou 2°C.

L’approche du budget carbone

Selon l’approche du budget carbone, il existe une relation linéaire entre la hausse de la température moyenne à la surface de la Terre et le CO2 émis jusqu’à présent dans l’atmosphère. La concentration de CO2 dans l’atmosphère est au cœur de cette approche car le dioxyde de carbone constitue de loin le gaz à effet de serre le plus important. Concrètement, cela signifie que toute émission supplémentaire de CO2 conduit à une augmentation à long terme (sur plusieurs siècles) de la température sur Terre. La hausse moyenne est ainsi estimée à deux millièmes de degré par GtC. Ce chiffre reste néanmoins entouré d’incertitude, comme le montre l’illustration 2.

L’approche du budget carbone nous indique la quantité d’émissions de CO2 à ne pas dépasser afin de limiter le réchauffement climatique mondial à un certain niveau (par exemple +1,5° ou 2°). Si l’on soustrait de cette quantité les émissions de CO2 déjà rejetées dans l’atmosphère depuis 1870, on obtient le budget carbone: le nombre de Gt de CO2 qui peuvent être encore émises à l’échelle mondiale avant que la neutralité carbone soit nécessaire. La neutralité carbone signifie que les activités humaines ne doivent plus produire d’émissions de CO2 à l’échelle mondiale. Pour arrêter l’augmentation de la température de la surface terrestre, il est indispensable de parvenir à moyen terme à cette neutralité.

L’approche du budget carbone est très éclairante en ce qui concerne la hausse mondiale des températures de 1,1° depuis 1870. Entre 1870 et la fin de 2017, environ 550 à 600 GtC ont été émises. En partant d’une hausse moyenne des températures de 2 millièmes de degré C par GtC, la température mondiale devrait donc, durant cette période, avoir augmenté de 1,1°C: c’est effectivement ce qu’il ressort des niveaux observés.

Budget carbone restant avant d’atteindre la limite des 1,5°-2°C à ne pas dépasser

L’approche du budget carbone indique aussi clairement le peu de temps qu’il reste avant que ne soit atteint le plafond des 1,5°-2°C de hausse des températures à ne pas dépasser. Aux rythmes d’émissions actuels, le budget carbone sera épuisé, en moyenne, dans moins de 15 ans pour une hausse des températures de 1,5°C, et dans moins de 40 ans pour une augmentation de 2°C.

Pour respecter la limite des 1,5° ou 2°C, différents pays se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 (Union européenne, États-Unis, Canada et Suisse, entre autres) ou à 2060 (Chine).

À supposer que ces pays respectent leurs engagements et réduisent de manière linéaire leurs émissions de gaz à effet de serre d’environ 10 Gt par an par rapport au niveau actuel pour arriver à zéro d’ici à 2050 ou 2060, 150 GtC seraient encore rejetées jusqu’en 2050, et 200 GtC jusqu’ en 2060 (voir l’illustration 3).

Selon le tableau 1, cette quantité serait trop élevée pour que la probabilité de respecter l’objectif des 1,5° atteigne au moins 50%. Elle permettrait toutefois plus probablement de limiter le réchauffement à 2°C.

  Probabilité de réalisation des objectifs
33% 50% 67%
1,5-°C 230 GtC 160 GtC 115 GtC
2,0-°C 555 GtC 410 GtC 320 GtC

Tableau 1: Budget carbone restant pour pouvoir respecter la limite de 1,5°C (première ligne) ou de 2°C (seconde ligne) avec une certaine probabilité. Source: GIEC (2018).

Implications pour la Suisse en termes de politique climatique

Pour atteindre la neutralité carbone à l’échelle mondiale, il n’est pas nécessaire que chaque pays y parvienne: si certains pays peuvent absorber ou stocker davantage de CO2 qu’ils n’en émettent (par exemple grâce au reboisement), alors d’autres peuvent en émettre plus qu’ils n’en absorbent ou n’en stockent. Cela semble néanmoins peu réaliste à long terme, car l’absorption et le stockage de CO2 passent par l’extension des écosystèmes. Or, l’extension des écosystèmes et donc des capacités de stockage de ceux-ci est limitée à long terme. En outre, il apparaît actuellement à l’échelle mondiale que la destruction d’écosystèmes terrestres (par exemple le déboisement des forêts tropicales) se traduit par le rejet d’émissions supplémentaires de CO2 dans l’atmosphère, plutôt que par l’absorption de ce dernier.

Dans ce contexte, la Suisse devrait elle aussi se préparer à devoir atteindre, à long terme, la neutralité carbone. Autrement dit, le transfert de la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’étranger ne peut être une stratégie climatique sensée qu’à court terme pour la Suisse. À moyen et long terme, la Confédération devra elle aussi nécessairement atteindre la neutralité carbone, afin que s’arrête le réchauffement climatique lié aux activités humaines.

 

Sources:

K. Ricke et K. Caldeira, Maximum warming occurs about one decade after a carbon dioxide emission, Environmental Research Letters, 2014, 9(12), DOI 124002.

GIEC, Réchauffement planétaire de 1,5°C, Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels et les trajectoires associées d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte du renforcement de la parade mondiale au changement climatique, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté [sous la direction de V. Masson- Delmotte, P. Zhai, H. O. Pörtner, D. Roberts, J. Skea, P.R. Shukla, A. Pirani, W. Moufouma-Okia, C. Péan, R. Pidcock, S. Connors, J. B. R. Matthews, Y. Chen, X. Zhou, M. I. Gomis, E. Lonnoy, T. Maycock, M. Tignor, T. Waterfield], 2018.