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Fintech: blockchain

Quand méfiance est mère de sureté

La cryptographie ou l’art des messages codés, bien qu’utilisée depuis l’Antiquité, a vécu un développement colossal avec l’arrivée de l’informatique. L’importance croissante des ordinateurs dans notre quotidien n’a cessé, ces dernières années, d’exposer nos secrets les plus intimes, et a ainsi forcé la technologie à évoluer vers plus de sécurité.

«L’expérience prouve», disait Léonard de Vinci, «que celui qui n’a jamais fait confiance en personne ne sera jamais déçu.» L’illustre génie de la Renaissance, réputé notamment pour sa maîtrise de l’art du cryptage, l’avait déjà compris: dans un monde où la valeur des rapports sociaux est régie par la capacité à tenir ses promesse, la méfiance prévient biens des préjudices. Et les rapports économiques n’y échappent pas.

Pourtant, sans le réaliser tout à fait, il ne se passe pas un seul jour sans que nous fassions confiance aux intermédiaires (appelés aussi «tiers de confiance») qui ratifient nos actions les plus diverses. Lorsque nous payons par carte bancaire, nous déléguons à notre banque le rôle de procéder à la vérification du solde et, le cas échéant, au virement du montant. Lorsque nous consommons des biens importés, nous lisons l’étiquette afin d’en connaître la provenance ou la date de péremption. Lorsque nous votons, nous remettons notre bulletin à la Poste qui le remet à la Chancellerie d’État et procède au dépouillement.

Si toutes ces interactions politiques et économiques se déroulent sans la moindre suspicion, c’est bien parce que nous confions à des institutions tierces le soin de vérifier l’intégrité du système sur lequel elles reposent. Qu’ils soient publics ou privés, ces organes habilités à contrôler nos interactions sont essentiels au bon déroulement de nos activités quotidiennes mais ils représentent un coût pour la société.

Et peut-on vraiment leur faire confiance? Peut-on s’en passer?

La technologie dite de la blockchain – chaîne de blocs en anglais – se veut justement la promesse d’une société sans tiers de confiance. Mais qu’est-ce que c’est, au juste, et comment ça marche? Le schéma ci-dessous permet une première approche:

Laurent Leloup, expert en fintech, définit la blockchain comme «un grand livre de compte ouvert et accessible à tous en écriture et en lecture et qui est partagé sur un grand nombre d’ordinateurs à travers le monde». Cette définition englobe les différents principes nécessaires au bon fonctionnement de la blockchain:

Grand livre distribué C’est le registre comptable partagé entre les participants qui retrace, stocke et transfère des données ou de la valeur (blocs)
Décentralisation Il n’y a pas d’autorité centrale de contrôle, c’est-à-dire aucun tiers de confiance (banque ou notaire par exemple)
Consensus Une transaction ne peut être acceptée ou rejetée qu’au travers d’un accord commun entre les participants, un algorithme
Immuabilité Les écritures figurant au grand livre distribué ne peuvent être ni modifiées, ni supprimées
Transparence La confiance règne via le partage systématique des données, des opérations et du consensus

En pratique, lorsque deux participants se mettent d’accord sur une transaction – un transfert d’argent par exemple – celle-ci est exécutée selon un protocole strict. D’abord, les membres du réseau examinent le registre (la chaîne de blocs) et s’assurent que le vendeur possède le montant à transmettre. Le cas échéant, la transaction est acceptée et ajoutée au dernier bloc de la chaîne. Enfin, le registre est partagé à l’ensemble du réseau: de cette façon, il est impossible de falsifier les transactions. Car cela requiert de modifier le registre auprès de tous les membres du réseau.

Une technologie aux applications multiples

À n’en point douter, l’usage le plus notoire de la blockchain touche au domaine financier et tout particulièrement à celui des crypto-monnaies: le bitcoin. Pas étonnant, puisque son créateur Satoshi Nakamoto (dont l’identité n’est à ce jour pas encore connue) est lui-même l’inventeur de la blockchain.

Ainsi, le bitcoin est une monnaie comme une autre, à l’exception qu’elle n’est pas émise par une banque centrale. Cela peut sembler anodin, mais cette distinction fait du bitcoin une devise particulière. D’une part, car sa valeur ne peut pas être influencée (via l’inflation); et d’autre part, parce qu’elle offre un anonymat complet. Mais l’expérience a montré que le bitcoin (et les crypto-monnaies en général), contrairement aux devises conventionnelles, n’était pas une bonne réserve de valeur:

Du reste, le bitcoin, bien qu’ayant permis la médiatisation et la popularisation de la blockchain, n’en est de loin pas la seule application. Depuis sa création en 2008, une multitude d’applications ont vu le jour, et ce dans bien des domaines:

La promesse d’un monde meilleur?

À en croire les experts en la matière, la blockchain est au cœur d’une révolution numérique sans précédent. Ses applications sont illimitées: en théorie, il y a autant de chaînes de blocs potentielles que de processus nécessitant la ratification par des tiers de confiance.

Mais, en pratique, cette technologie fait face à un certain nombre de défis au niveau de:

De nos jours, seule une fraction des utilisations possibles de la blockchain est exploitée comme c’était le cas au début d’Internet. L’histoire se répétera-t-elle?