Changement climatique: le défi humain
Changement climatique: le défi humain

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Changement climatique: Le défi humain

L’état des lieux scientifique sur la question climatique est sans appel. Malgré une certaine prise de conscience théorique et l’adoption d’accords internationaux, les engagements individuels, sociétaux et internationaux pour contenir le réchauffement climatique se révèlent insuffisants. Il en faudrait beaucoup plus pour maintenir le réchauffement à moins de 1,5°C, selon le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Pourquoi? Et que faut-il faire pour remédier à cette situation?

Pourquoi n’arrive-t-on pas à contrer suffisamment le changement climatique?

Au niveau individuel tout d’abord: Malgré une prise de conscience théorique chez les individus de plus en plus partagée, les efforts semblent se révéler insuffisants. La psychologie, l’économie comportementale et la théorie économique fournissent quelques explications sur le phénomène:

  1. Sous-évaluation des risques. L’être humain n’est pas très bon pour évaluer les risques qui le concernent. Nous avons par exemple tendance à sous-évaluer les risques de cancer lorsque l’on fume ou d’avoir un accident lorsque l’on prend sa voiture. Ce phénomène est d’autant plus vrai dans le cas du réchauffement climatique, car les risques sont très diffus. A ce jour, nous n’avons pas encore pris la mesure réelle de ses effets cela étant aussi accentué par le fait que nous vivons sur un pays qui, jusqu’ici, a été passablement épargné par les déluges.
  2. Biais du court terme ou rapport coûts-bénéfices biaisé: C’est un phénomène bien connu en économie comportementale: l’être humain accorde moins d’importance à ce qui se passera demain qu’à ce qui se passe aujourd’hui. Notre quotidien est truffé d’exemples: le plaisir de manger un pain au chocolat aujourd’hui par rapport au risque de développer un diabète dans 20 ans ou de partir en vacances cette année plutôt que d’épargner pour sa retraite. En ce qui concerne le changement climatique, c’est la même chose: cela coûte cher aujourd’hui (taxes, investissements dans de nouvelles technologies, isolation des bâtiments, etc.), alors que l’on n’en perçoit pas les bénéfices immédiats. L’humain a plus de facilité à se projeter demain qu’après-demain. À penser au court terme plutôt qu’au long terme. Du coup, on transmet le problème aux générations futures pour qui le long terme sera devenu du court terme.
  3. Egoïsme à l’égard des générations futures. L’être humain est ainsi fait; il a plutôt tendance à donner la priorité à son intérêt individuel (ne pas faire d’efforts, ne pas payer aujourd’hui) plutôt qu’à l’intérêt collectif (penser aux générations futures).
    Parfois, on ne veut pas voir que certaines de nos actions ont un impact sur le bien-être des autres; c’est ce que l’in appelle des «externalités».
    Comme le résume Jean Tirole, prix Nobel d’économie en 2014, le coût pour lutter contre le changement climatique est local et immédiat, alors que les bénéfices issus de la réduction des émissions de gaz à effet de serre sont globaux et distants.   
  4. Bien public et passager clandestin: Les réductions des émissions sont ce que l’on appelle dans le jargon économique un bien public global. «Bien public» parce que tout le monde peut réduire ses émissions même si d’autres le font déjà et personne ne peut être exclu des bénéfices sur le climat lorsque quelqu’un réduit ses émissions. «Global» parce que la réduction des émissions dans un pays profite à tous les pays à l’échelle du globe. Comme tous les biens publics, la tentation est grande de profiter des efforts des autres sans en payer soi-même le prix. C’est ce qu’on appelle jouer au «passager clandestin» («free-rider» en anglais). Le problème, c’est que si tout le monde pense pouvoir profiter sans faire d’efforts, plus personne ne contribue à la réduction des émissions et on n’atteint jamais les objectifs globaux qu’on s’est fixé.  Voici quelques explications qui illustrent pourquoi il est difficile de faire face au changement climatique en misant uniquement sur les efforts individuels. Il est important dans ce contexte aussi de considérer que l’infrastructure mise à disposition par les pays joue également un rôle important pour promouvoir ou décourager ces efforts. Par exemple, si mon lieu d’habitation n’est pas (ou peu) desservi par les transports publics, je pourrais être contrainte de prendre la voiture pour penduler, et ce quelles que soient mes convictions. De même que si les produits qui sont proposés à la vente ne respectent pas les standards écologiques, je ne pourrai pas adapter mon alimentation en fonction. Tout ne dépend donc pas uniquement de l’individu. Tournons-nous donc vers les pays. Au niveau des pays ensuite: Le phénomène du bien public et du passager clandestin décrit plus haut sévis également au niveau international. Et plus il y a de personnes ou de pays impliqués dans l’équation, plus le problème du passager clandestin est grand, ce qui explique en partie pourquoi la politique climatique internationale échoue. On compte environ 200 pays souverains sur terre, mais les 10 plus grands pays émetteurs de gaz à effet de serre causent deux tiers des émissions mondiales:

Un renouveau de la politique climatique internationale?

Et pourtant, cela fait près de 50 ans que la politique climatique est à l’ordre du jour de la politique internationale. Depuis 1972, l’Organisation des Nations Unies (ONU) met sur pied tous les dix ans des Conférences sur l’environnement et le développement entre grands dirigeants de la planète – les «Sommets de la Terre». Le premier sommet a eu lieu à Stockholm (Suède) en 1972. Le dernier à Paris en 2015, sommet au terme duquel 196 pays ont signé l’Accord de Paris qui vise à «limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel [2e moitié du 19e siècle]». Pour ce faire, les pays doivent soumettre leurs plans d’action climatique pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. Il s’agit du premier traité international sur la question du réchauffement climatique juridiquement contraignant – c’est-à-dire qu’on peut désormais poursuivre un Etat qui ne respecterait pas ses obligations, mais le traité ne prévoit pas de sanctions. 
Dans le cadre de l’Accord de Paris, plusieurs pays ont pris des engagements concrets, tels que: 

  • La Suisse s’est engagée à réduire ses émissions de 50% d’ici à 2030 par rapport à 1990, et vise la neutralité carbone (c’est-à-dire, l’équilibre entre émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère par l’homme) pour 2050. Pour ce faire, elle a annoncé un objectif indicatif de réduction de 70 à 85% par rapport à 1990 d’ici à 2050.
  • La Chine veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2060; La Corée et le Japon d’ici 2050;
  • L’Union européenne veut réduire ses émissions de 55% d’ici à 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (pacte vert pour l’Europe).

L’Accord de Paris, célébré à l’époque comme un jalon important de la politique climatique internationale, a bénéficié d’une grande attention médiatique ces dernières années grâce à Greta Thunberg et au mouvement «Fridays for Future» qu’elle a lancé. Ce mouvement social, soutenu principalement par les jeunes et les jeunes adultes, appelle la communauté internationale à adopter des politiques climatiques conformes à la promesse faite dans l’Accord de Paris afin de freiner le réchauffement de la planète.
 

Des engagements insuffisants

Malgré l’Accord de Paris et les promesses actuelles des Etats, les émissions de gaz à effet de serre continuent globalement d’augmenter. Selon un récent rapport des Nations unies, pour limiter le réchauffement climatique à +1,5°C d’ici 2100 comme le veut l’Accord, il faudrait réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 7,6% par an pendant au moins dix ans, mais on est loin du compte. Selon ses modèles, il faudra moins de 20 ans pour en arriver aux +1,5°C, et cela, même dans le scénario à très faibles émissions. L’objectif de rester sous la barre des 2°C semble lui aussi incertain. Seuls les scénarios avec les plus basses émissions de gaz à effet de serre permettraient de s’y tenir. Nous suivons actuellement la trajectoire d’un réchauffement compris entre 3,4 et 3,9°C d’ici la fin du siècle… Selon le «Climate Action Tracker»  un instrument indépendant répertoriant l’action climatique des gouvernements, les mesures prises par la plupart des Etats, y compris la Suisse, sont insuffisantes pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris: 

Quelques solutions envisageables

Au niveau individuel: 

Nous pouvons changer nos habitudes: renoncer par exemple à la viande et aux trajets en avion, fermer le robinet en se lavant les dents, investir dans un meilleur isolement. Mais nous ne sommes pas que des consommateurs (qui pouvons par exemple boycotter certains produits pour faire pression sur les vendeurs et les producteurs), mais également: 

  • des épargnants (qui pouvons investir notre capital dans des projets/actions/obligations durables), 
  • des employés (qui pouvons jouer un rôle sur les activités de nos employeurs), 
  •  des citoyens (qui votons et élisons nos représentants en fonction de leurs idées. De plus, en Suisse, nous sommes plutôt bien servis niveau instruments démocratiques, comme l’initiative et le référendum, qui nous permettent de lancer des débats et d’avancer des idées).


Au niveau d’un pays:
Un pays comme la Suisse peut prendre différentes mesures pour lutter contre le changement climatique, notamment:

  • Mettre en place des instruments économiques: des outils comme des subventions et des taxes incitatives permettent d’orienter la consommation vers des modes de consommation ou des technologies plus durables. Pour un aperçu de ces instruments et de leur potentiel, nous vous renvoyons au bloc vidéo «Instruments économiques».
  • Promouvoir les investissements (et investir) dans des technologies «propres»: abandon progressif des énergies fossiles, adoption des énergies renouvelables à large échelle (photovoltaïque, éolienne, géothermie, etc.), électromobilité, smart devices… Sans progrès technologique, il sera difficile d’atteindre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Certains pays, ayant compris l’attrait économique du développement de nouvelles technologies plus vertes, se mènent une concurrence acharnée. Pour un aperçu des chances et des défis climatiques liés à la technologie, nous vous renvoyons au bloc vidéo «Tournant technologique».
  • Développer des infrastructures qui permettent aux individus de se déplacer et consommer de manière durable.
  • Prises de consciences collectives: l’émergence des grèves pour le climat, y compris en Suisse et les mouvements menés par les jeunes, comme «Fridays for future» pourront peut-être faire évoluer les consciences. Car on ne peut pas opposer individuel et collectif en matière de changement climatique; la culpabilisation ne nous fait pas avancer, contrairement à la responsabilité.
  • Investir durablement: la contribution du secteur financier pour (re)diriger les investissements vers des énergies plus propres sera décisive pour lutter contre le changement climatique. En 2020 – année Corona – la finance durable a progressé de façon spectaculaire en Suisse. Et tout indique que les manifestations en faveur du climat ont contribué à la propagation des investissements de ce type, incluant des critères environnementaux et sociaux. D’après Swiss Sustainable Finance (SSF), les capitaux investis selon ces principes ont atteint la somme faramineuse de 1163 milliards de francs.

  

Au niveau international: 
Diverses mesure peuvent être prises comme:

  • Mettre en place un fonds pour le climat afin d’encourager les investissements respectueux du climat au niveau mondial (assainissement des bâtiments, modes de transports verts ou inciter les entreprises à passer à des technologies plus respectueuses de l’environnement).
  • Définir un budget d’émissions mondiales: il s’agirait de se mettre d’accord sur un quota d’émissions représentant la limite supérieure des émissions de CO2 qui permettraient de rester en dessous d'une température moyenne mondiale donnée. Les pays qui dépassent leur quota doivent compenser leurs émissions dans d’autres pays.  
  • Encourager les transferts de technologies: les pays doivent pouvoir bénéficier le plus rapidement possible des découvertes et nouvelles technologies permettant de réduire leur impact sur l’environnement. 
     

Conclusion

Le changement climatique ne peut pas être combattu que sur un seul front. Probablement qu’une conjonction de nombreuses solutions sera nécessaire. Des éléments externes à notre volonté peuvent aussi survenir et accélérer ou ralentir le changement climatique. Les quelques premiers mois de confinement lié à la pandémie du Coronavirus ont par exemple fait baisser la consommation énergétique dans de nombreux pays, mais cette baisse semble se révéler de nature temporaire. Toute la question sera de savoir à quel point la pandémie aura pu durablement changer les comportements, individuels, collectifs et internationaux.

Sources