Fintech: investment management
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Fintech: investment management

Services financiers à l’heure de la digitalisation

Les services financiers ont connu une succession d’améliorations au gré des avancées technologiques du 20e siècle. Du distributeur de billets dans les années 60 au online banking à la fin des années 90, en passant par la carte de débit dans les années 70: ces améliorations ont permis une expérience client toujours plus pratique, rapide et fiable.

Mais à l’heure de la digitalisation, une nouvelle révolution se prépare: celle des fintechs. Véritable carrefour entre finance et technologie, les fintechs regroupent toutes les innovations rendant les services financiers plus accessibles, personnels et efficients. Quatre principales avancées récentes les ont rendues possibles:

  • le smartphone: en plus de permettre une connectivité permanente entre les individus, il offre un accès bon marché aux services financiers,
  • le big data: grâce aux données récoltées (par les smartphones notamment), les entreprises sont plus à même de comprendre les besoins de leurs clients et de fournir des services personnalisés,
  • le machine learning: il permet le traitement de l’information gigantesque qu’offre le big data via des algorithmes sophistiqués,
  • la blockchain: gère et sécurise les transactions financières entre les individus sans recourir à un tiers de confiance.

Jour après jour, les fintechs bouleversent notre quotidien, à tel point qu’il n’a jamais été aussi facile d’investir son argent. Un service financier en particulier connaît à l’heure actuelle un profond changement: la gestion des investissements («investment management» en anglais). Les années à venir pourraient donc marquer le début d’une nouvelle ère: celle où placer son argent n’est plus un service réservé aux personnes aisées.

Gestion des investissements 2.0

La gestion des investissements consiste à placer le capital d’autrui afin d’en dégager le meilleur rendement, sous contrainte d’un niveau de risque prédéfini. Propre à l’industrie bancaire, cette discipline est née pendant la Renaissance italienne, lorsque les premières banques sont apparues afin de faciliter le commerce et de gérer les finances personnelles des familles fortunées de Florence, Venise et Gènes.

Sans nul doute, la gestion des investissements du 12e siècle est bien différente de celle d’aujourd’hui. Les progrès scientifiques réalisés en finance ainsi que l’apparition de l’informatique ont permis une nette amélioration de la gestion du rendement et du risque. Mais jusqu’à récemment, l’industrie bancaire considérait la gestion des investissements comme la combinaison de trois processus distincts:

  1. la constitution de portefeuilles de titres (actions, obligations et devises),
  2. le conseil en matière de décisions d’investissement, notamment via la détermination d’un «profil de risque»,
  3. l’utilisation d’analyses solides pour répartir les actifs à court, moyen et long terme.

Mais l’émergence des algorithmes intelligents – couplée à la connectivité accrue des individus et aux quantités massives de données qu’ils génèrent – a provoqué l’apparition de services innovants mixant ces trois processus. En Suisse comme à l’étranger, diverses start-ups fintechs ont pénétré ce marché, et certaines banques traditionnelles ont réagi en développant des outils novateurs. Depuis, il existe un large éventail de services offrant la possibilité aux clients d’obtenir un conseil ultra-personnalisé, de s’informer sur les actifs qui les intéressent, et même de partager leurs idées avec une communauté de traders – le tout en temps réel et au bout des doigts.

Dans l’ensemble, ces nouveaux services financiers d’aide à la décision en termes d’investissements se regroupent en quatre catégories:

1. Robo advisor

Mot-valise issu des termes anglais «robot» et «advisor» (conseiller), les robo advisor sont des plateformes en ligne utilisant des algorithmes complexes pour traiter de grandes quantités de données afin de produire un conseil en investissement personnalisé. En somme, c’est un conseiller financier digital:

2. Trading social

Le trading social consiste, pour une communauté d’utilisateurs potentiellement amateurs, à partager leur stratégie d’investissement et à suivre celle des autres. Le «copy trade» offre la possibilité de copier un autre utilisateur et d’effectuer systématiquement les mêmes placements que lui. Ainsi, le trading social constitue une forme de réseau social orienté vers l’investissement.

3. Modèle hybride

Service à mi-chemin entre l’homme et la machine, le modèle hybride offre la possibilité aux gestionnaires d’investissements et aux banques d’utiliser les algorithmes afin d’aiguiller le client vers la solution la mieux adaptée à ses besoins. Il combine donc la standardisation d’un robo advisor avec la possibilité de services de conseil.

4. Recommender system

«Systèmes de recommandation» en français, les «recommender systems» sont une technique de filtrage de l’information permettant de ne montrer à un utilisateur que les éléments susceptibles de l’intéresser. Principalement utilisée par les sites d’achat en ligne (par exemple Amazon), cette technologie fait progressivement son apparition dans la gestion des investissements. Grâce à elle, les investisseurs sont plus à même de choisir une stratégie correspondant à leurs objectifs financiers.

Menace ou opportunité?

La gestion des investissements 2.0 représente un potentiel immense de démocratisation des services financiers, mais symbolise la rupture avec une longue tradition suisse plaçant la relation humaine sur un piédestal. En effet, ce que les clients gagnent en prestations bon marché et facilité d’utilisation, ils le perdent en termes de contacts humains. Les gestionnaires d’investissements (et les banques en général) quant à eux, bien que bénéficiant de gains d’efficience gigantesques liés aux nouvelles technologies, font face à une compétition croissante et se mesurent à la performance de l’intelligence artificielle.

Ce que l’on pourrait qualifier de marché de l’investissement digital représente ainsi à la fois une menace et une opportunité pour les institutions établies dans le domaine. Il pourrait en outre révolutionner la façon dont les citoyens gèrent leurs finances personnelles, si tant est que la confiance qu’ils accordent à une machine est suffisante.

Le marché suisse des fintechs en gestion des investissements n’est actuellement qu’à son stade embryonnaire. Les quelques start-ups en la matière et l’intérêt que les banques traditionnelles portent à ces nouvelles technologies, mêmes si elles augurent un développement considérable, traduisent une utilisation encore prudente de ces services financiers.

Selon une étude menée par des chercheurs de la Haute École de Lucerne (disponible en allemand ici) 320 millions de francs étaient gérés en Suisse à l’aide des différents services mentionnées plus haut,  contre 19 milliards de dollars aux États-Unis (chiffres en 2014). À en croire Jon Frost, économiste spécialiste des fintechs et de l’innovation digitale, ces différences d’adoption des fintechs s’expliquent par un certain nombre de facteurs:

  1. l’inclusion financière: avoir accès à un compte en banque n’est pas toujours possible, en particulier dans les pays émergents,
  2. le degré de concurrence dans le domaine des services financiers: plus le marché est concentré, plus les marges sont attrayantes,
  3. l’environnement légal: même si la rigidité juridique dans le domaine financier décourage les start-ups, la sécurité relative à la propriété privée les rassurent,
  4. la démographie: ce sont principalement les jeunes générations qui adoptent les nouvelles technologies
  5. la confiance: le degré de confiance accordé aux nouvelles technologies dépend aussi de facteurs culturels (rapport au changement, mythes et croyances, méfiance à l’égard de l’intelligence artificielle, etc.)

La Suisse est riche à bien des égards et fameuse pour la robustesse de son industrie bancaire. Mais elle n’est pas connue pour la rapidité et la flexibilité de ses lois, la jeunesse de sa population, ni même le progressisme de ses idées. Cette confiance relative envers les nouvelles technologies va-t-elle changer dans les années à venir?

Sources: