Banques et crises financières
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Informations de fond

Banques et crises financières

Les risques de l’activité bancaire

L’activité principale des banques s’accompagne inévitablement de risques: si un emprunteur ne rembourse pas son crédit, la banque doit pouvoir absorber cette perte. On parle alors de «risque de crédit».

De plus, de nombreuses banques peuvent avoir investi, pour leur propre compte, des sommes importantes en actions, en obligations et dans d’autres produits de placement sur les marchés financiers. Or ces fonds sont susceptibles de subir des pertes élevées en cas d’évolution défavorable. On parle, en l’espèce, de «risques de marché». Le risque de taux d’intérêt constitue, quant à lui, un risque de marché spécifique. Il naît lorsque qu’une fluctuation des taux d’intérêt sur le marché peut amener la situation financière des banques à se détériorer, car leurs créances et leurs dettes sont plus ou moins affectées selon les cas.

Toutes les entreprises doivent faire face aux risques de crédit et de marché. Mais ces risques, et notamment le risque de crédit, sont particulièrement présents chez les banques car compte tenu de leur modèle commercial, celles-ci  octroient de nombreux crédits et placent des fonds  importants sur les marchés financiers.

Les dépôts d’épargne comportent, eux aussi, des risques: si de nombreux épargnants retirent leur argent simultanément, la banque manquera de numéraire. Ses liquidités seront alors insuffisantes pour respecter ses engagements à court terme. On parle, dans ce cas, de «risque de liquidité».

Qu'est ce qu'un «bank run»?

Une part considérable des avoirs d’épargne peut être retirée à tout moment. C’est par exemple le cas lorsque de nombreux épargnants décident subitement de récupérer leur argent auprès de leur banque. On parle alors de «ruée sur les banques» ou de bank run. L’expérience montre toutefois qu’une telle situation ne se produit pas sans cause, mais uniquement lorsqu’un établissement bancaire présente déjà des problèmes. Il va sans dire qu’une telle ruée engendre des difficultés supplémentaires pour la banque concernée.

Que se passe-t-il si une banque est insolvable?

La défaillance d’une banque affecte de nombreux acteurs économiques: les épargnants perdent leur argent; les entreprises ne bénéficient plus d’aucun crédit et les opérations de paiement risquent d’être entravées. Mais la faillite d’une banque peut surtout placer d’autres établissements bancaires dans des situations difficiles.

En effet, les banques se prêtent mutuellement de l’argent dans le cadre des opérations interbancaires (voir encadré). Si un établissement est défaillant, tous les autres peuvent perdre les avoirs qu’ils détiennent auprès de lui. En outre, la possibilité d’une ruée sur les autres banques n’est pas exclue. Plus une banque est grande et importante pour le système financier, plus sa défaillance sera lourde de conséquences.

Opérations interbancaires

Toutes les transactions effectuées par les banques entre elles font partie des opérations interbancaires. Il s’agit principalement d’échanges monétaires, c’est-à-dire de prêts à court terme entre banques, à un taux d’intérêt valable uniquement sur le marché interbancaire. Celui-ci constitue, en général, la principale source d’approvisionnement en liquidités des banques, et leur permet d’exécuter sans entraves leurs activités quotidiennes de dépôt et de crédit.

Comment les crises financières se propagent-elles au reste de l’économie?

Lors d’une crise, les banques sont contraintes de restreindre l’octroi de crédits, d’où un «resserrement du crédit». Les entreprises investissent alors moins et les particuliers diminuent leur consommation. La production de biens et de services ralentit; des emplois sont supprimés. Les crises financières se propagent dès lors à l’ensemble de l’économie et entraînent une récession: l’économie affiche des taux de croissance négatifs; les revenus des travailleurs baissent et le chômage augmente.

Réglementation des banques

Pourquoi cette réglementation?

La réglementation est une mesure étatique qui vise à influer sur le comportement des acteurs économiques. Le principal objectif d’une réglementation bancaire est de garantir la sécurité et le fonctionnement du système financier. Le secteur bancaire est très fortement réglementé, car la faillite d’un seul établissement peut avoir des répercussions sur l’ensemble du système financier. De plus, cette réglementation contribue à protéger les clients des banques, notamment afin d’éviter la perte de leurs dépôts bancaires.

Comment s’effectue la réglementation bancaire?

Seules les banques au bénéfice d’une licence peuvent opérer en Suisse. A cet effet, l’établissement bancaire doit être organisé de manière appropriée et la réputation de sa direction, être irréprochable. Les banques doivent également respecter différentes prescriptions:

  • Dispositions relatives aux fonds propres: les banques doivent détenir un minimum de fonds propres par rapport à leurs actifs. De plus, les établissements exposés à des risques plus élevés doivent conserver davantage de fonds propres. Ceux-ci servent, d’une part, de filet de sécurité pour absorber les pertes en temps de crise. D’autre part, ils ont un effet disciplinaire: plus il y a de fonds propres en jeu, moins les propriétaires d’une banque sont enclins à prendre des risques extrêmes.
  • Dispositions relatives aux liquidités: les banques doivent disposer en tout temps d’un minimum de liquidités (avoirs immédiatement disponibles) afin de pouvoir respecter leurs engagements financiers à court terme.

En Suisse, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) est chargée de délivrer les licences bancaires et de surveiller le respect des prescriptions.

Les avoirs d’épargne sont-ils assurés?

La plupart des pays ont introduit une garantie étatique des dépôts afin de protéger l’épargne des petits clients. En Suisse, cette garantie est organisée par les banques: les dépôts d’épargne sont assurés jusqu’à 100 000 francs par client. Si une banque fait faillite, les autres établissements doivent rapidement verser les dépôts assurés. Le montant maximal de ces versements est toutefois limité à 6 milliards de francs. Cette somme ne pourrait donc pas suffire si un établissement important était en difficulté ou si plusieurs banques se retrouvaient en même temps dans une situation délicate.

Protection des dépôts

Vous trouverez de plus amples informations sur la garantie des dépôts sur le site Internet www.esisuisse.ch

«Too big to fail»

Que signifie l’expression «too big to fail»?

On dit d’une grande banque qu’elle est «d’importance systémique » lorsque son effondrement menacerait la stabilité des systèmes financier et économique. L’expérience faite dans de nombreux pays le montre: lors d’une crise bancaire, la pression politique et les problèmes latents sont tels que l’Etat sauve généralement les grandes banques, même en l’absence d’une obligation légale correspondante. Celles-ci peuvent dès lors supposer que l’Etat ne les laissera pas tomber; elles bénéficient d’une garantie étatique implicite. La Suisse, qui est un petit pays, est particulièrement concernée par cette problématique, car elle compte une grande banque: UBS.

Quelles sont les banques suisses d’importance systémique?

Dans le cadre du règlement «too big to fail» (voir la section suivante), la loi sur les banques donne mandat à la Banque nationale de désigner les banques d'importance systémique et leurs fonctions d'importance systémique. Début 2024, UBS, la Banque Cantonale de Zurich, le Groupe Raiffeisen et Postfinance étaient considérés comme d’importance systémique.

Quelles sont les banques suisses d’importance systémique?

Dans le cadre du règlement «too big to fail» (voir la section suivante), la loi sur les banques donne mandat à la Banque nationale de désigner les banques d'importance systémique et leurs fonctions d'importance systémique. Début 2024, UBS, la Banque Cantonale de Zurich, le Groupe Raiffeisen et Postfinance étaient considérés comme d’importance systémique.

Quelles en sont les conséquences?

Une garantie de sauvetage implicite comporte des risques importants pour l’Etat et, donc, pour les contribuables, car les éventuelles pertes découlant d’un tel sauvetage seraient en grande partie couvertes par les recettes fiscales. La problématique du «too big to fail» se ressent également en termes de concurrence: sans garantie implicite de l’Etat, les grandes banques devraient emprunter à des taux d’intérêts plus élevés afin d’indemniser les bailleurs de fonds pour le risque de défaillance. Or cette garantie rassure ces derniers, qui acceptent dès lors de percevoir des intérêts plus faibles. Les grandes banques bénéficient ainsi d’un avantage concurrentiel injustifié par rapport aux établissements plus petits (et aux autres entreprises). De plus, une garantie implicite de l’Etat incite à prendre des risques particulièrement élevés. En effet, les placements risqués génèrent, en général, des rendements plus importants, tandis que la responsabilité des coûts des risques est déléguée. On parle alors de «risque moral» (voir encadré).

Comment résoudre la problématique du «too big to fail»

En vue d’y parvenir, le Parlement a spécialement mis en place la réglementation «too big to fail», TBTF. Cette dernière a pour but d’empêcher de devoir recourir à l’argent du contribuable pour sauver les banques d’importance systémique en cas de crise. Elle s’appuie pour cela sur deux piliers complémentaires.

  • Les banques d’importance systémique doivent remplir des exigences plus strictes en matière de fonds propres, de liquidités et de répartition des risques. Ces exigences visent à renforcer leur résilience et à réduire ainsi la probabilité qu’elles se retrouvent dans une situation financière critique.
  • Si malgré tout une telle situation venait à se produire, le second pilier interviendrait pour permettre l’assainissement et la liquidation ordonnés de l’établissement concerné sans recours à des fonds publics. A cette fin, la réglementation fixe des exigences pour les cas de faillite, en matière de capacité d’absorption des pertes ainsi que de plans d’assainissement et de liquidation.
    • Les exigences en matière de capacité d’absorption des pertes en cas de faillite prévoient notamment que les banques disposent de fonds de tiers pouvant, au besoin, être transformés en actions. Cela permet d’associer les créanciers de ces instruments aux pertes enregistrées par la banque, et celle-ci dispose de capitaux frais.
    • Dans le cadre des plans d’assainissement et de liquidation, les banques d’importance systémique doivent prendre des mesures qui leur permettent, en cas de faillite, de maintenir leurs fonctions d’importance systémique, sans interruption et indépendamment du reste de l’établissement. Les fonctions d’importance systémique comprennent notamment le trafic des paiements ainsi que les opérations de crédit et de dépôt en Suisse.

Le risque moral et l’effondrement de la banque d’investissement Lehman Brothers

Les garanties étatiques qui amortissent les effets négatifs d’une faillite bancaire s’accompagnent d’un «risque moral» (moral hazard). Cette expression désigne un changement de comportement chez une personne ou une institution lorsque celle-ci part du principe qu’elle n’aura pas à supporter elle-même les éventuelles conséquences négatives de ses actes. Le problème se pose également en cas de garanties non formulées, c’est-à-dire lorsqu’elles ne sont que de simples suppositions. L’effondrement de la banque d’investissement Lehman Brothers en septembre 2008 en est un exemple flagrant: en mars de la même année, la Réserve Fédérale américaine avait évité la faillite de la banque d’investissement Bear Stearns afin d’empêcher toute panique sur le marché financier et l’écroulement du système économique. Se sentant en sécurité, Lehman Brothers a continué à prendre des risques trop élevés. Quelques mois plus tard, lorsque la banque dut déclarer faillite, le gouvernement américain n’est pas intervenu et a laissé Lehman Brothers sombrer. Des erreurs de management et un risque trop important ont conduit à cette banqueroute. Il est probable que Lehman Brothers se serait comportée autrement si elle avait su que l’Etat ne viendrait pas à son secours.